Une stratégie, pour réussir, doit être exécutée avec détermination et en respectant un timing cohérent. Sourions un instant à l’illustration de cette règle par une anecdote historique, celle du banquet de Ravenne, contée à plusieurs reprises par Jean d’Ormesson, dans ses œuvres. Rappelons-en l’histoire. En 476, Odoacre, général romain frustré, dépose le dernier empereur d’occident, Romulus Augustule, mettant ainsi fin à 8 siècles d’hégémonie romaine. Il se fait aussitôt proclamer roi d’Italie par ses troupes. Mais Théodoric le Grand, chef des Ostrogoths, soutenu par l’empereur de Constantinople, convoite également la péninsule italienne et engage une guerre victorieuse, contraignant Odoacre à se réfugier dans Ravenne, sa capitale, dont il fait le siège pendant 3 ans. Odoacre finit par se rendre et Théodoric organise alors un grand banquet de réconciliation entre ses Ostrogoths et les Hérules d’Odoacre. Laissons à Jean d’Ormesson le soin d’en raconter l’issue : « Des centaines de barbares, des milliers peut-être, avec leurs capitaines et leurs généraux, avec leurs deux rois ennemis, devenus soudain amis, s’installent pour se rassasier, boire et chanter dans un ordre symbolique : un Ostrogoth, un Hérule, un Ostrogoth, un Hérule… Odoacre et Théodoric sont assis l’un auprès de l’autre. On boit beaucoup à la paix et à la réconciliation entre les peuples. Soudain, Théodoric se lève, une coupe à la main. Des trompettes éclatent et chaque Ostrogoth plonge un poignard dans le cœur de son voisin Hérule ».
Théodoric envahit ensuite toute l’Italie et installe une paix qui va durer trente ans.
Bien sûr, à l’aune de notre sensibilité d’aujourd’hui, ce massacre perpétré de sang- froid peut nous paraître quelque peu disproportionné par rapport à l’enjeu. Mais autorisons-nous un brin d’humour, la distance historique le permet. Pourquoi ne pas en tirer une leçon de stratégie, tant dans sa conception que dans son exécution.
L’Italie baigne dans un marasme politique accentué par la fin de l’empire. Le pouvoir est à prendre. Théodoric le veut. Il s’assure donc du soutien stratégique de l’empire d’orient, ce qui lui apporte une légitimité certaine et part à la conquête de la péninsule. Il obtient la capitulation de son concurrent Odoacre et fait preuve de cohérence en décidant de l’éliminer, lui et ses troupes. Pourquoi ? Parce que son objectif est une paix durable et qu’il sait qu’elle ne pourra pas avoir lieu si l’armée adverse reste en état de combattre. Il fait donc le choix de l’élimination.
Il reste ensuite à exécuter cette décision avec détermination. Il faut, pour cela, impliquer ceux de son armée qui participeront au banquet, savoir pouvoir compter sur eux, leur faire garder le secret sur le projet et donc, ne les mobiliser qu’au plus près de l’événement. Théodoric fait preuve, en l’occurrence, d’un leadership charismatique pour faire servir sa stratégie.
Il faut, enfin, imposer un timing parfait, faire boire les Herules, tromper leur vigilance, les laisser se détendre avant de les poignarder, le chef, Théodoric donnant à la fois le signal et l’exemple en poignardant Odoacre de sa main.
Les mœurs ont changé, heureusement, mais les ingrédients de la conception et de l’exécution d’une bonne stratégie perdurent : savoir où on veut aller, tirer des plans, les mettre en œuvre, jouer de l’effet de surprise et faire exécuter avec rigueur le projet, grâce à un leadership exigeant.
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