Avec la crise du Covid-19, nous changeons de paradigme politique. Brutalement, à une longue période d’amélioration continue de l’économie succède un moment de forte compassion collective qui exige des dirigeants politiques un arbitrage net, en faveur de la santé, contre l’activité économique, bien que le risque de mortalité ne porte que sur moins de 1% de la population.
La raison de ce choix est que « notre-système-de-santé-que-le-monde-nous-envie » n’est pas en mesure d’accueillir tous les malades contaminés en situation de détresse. Le confinement, qui permet d’étaler la charge dans le temps mais non d’éradiquer le virus, provoque un effondrement économique, jamais vu par le passé. Les médecins et l’ensemble des personnels soignants, qui montrent un courage et un dévouement qui force l’admiration, ne sont évidemment pas en cause. Notre classe politique, dans son ensemble, est la seule responsable. Depuis des années, elle gère notre pays dans la facilité et la sujétion à une fonction publique pléthorique, dont les effectifs auraient dû être régulièrement réduits, ne serait-ce que pour tenir compte de la transformation numérique, mais qui, jalouse de ses prérogatives et animée d’un esprit corporatiste hors du commun, se maintient par la mise en œuvre de normes et de règlementations touffues dont le seul effet est de masquer son impéritie et de la rendre indispensable. Alors, par la faute d’un déficit public de l’ordre de 30% des recettes, on se contente d’expédients, dans notre système de santé, comme dans l’éducation nationale, la police ou la justice.
Il est intéressant de noter que les pays qui gèrent le mieux la crise sont les Etats fédéraux – parce que leurs centres de décision sont au plus proches des évènements – et les pays de l’est asiatiques dont la discipline collective est l’apanage. Hasard ? Ce sont aussi des pays vertueux en matière de finances publiques. La France, à la fois centralisée, permissive et dépensière, ne peut pas poursuivre dans cette voie. Il faut, d’urgence, revenir à un fonctionnement frugal de l’Etat, rendre les citoyens responsables d’eux-mêmes et mettre en œuvre la subsidiarité qui permet aux élus locaux de prendre leurs décisions au plus près des populations. C’est l’inversion de la pyramide démocratique : les communes, pour l’essentiel, les anciennes régions – plus cohérentes, culturellement – pour coordonner ce que les communes ne peuvent entreprendre seules et l’Etat, uniquement centré sur les fonctions régaliennes.
Le soutien à l’économie va sans doute coûter plus de 100 Milliards d’€. Comme nous ne les avons pas, il va falloir les emprunter et la dette publique va augmenter de 5 points de PIB. Ce n’est pas un drame en soi, compte tenu de taux d’intérêts faibles voire négatifs. Par contre, cela nous contraindra à revenir rapidement à l’équilibre des comptes publics, en même temps qu’il nous faut investir massivement pour nous doter d’urgence d’un système de santé digne de ce nom. Comme la France est déjà le pays développé où l’impôt et les charges sociales sont les plus élevés au monde, le seul levier sera la réduction des dépenses publiques. Ce sera d’autant plus dur que, malgré les aides économiques, parce que celles-ci sont, aujourd’hui, insuffisantes et ne souffrent pas la comparaison avec celles de nos voisins, la France va assister à la déconfiture de pans entiers de son tissu entrepreneurial. C’est dramatique parce qu’il ne se reconstituera ni facilement, ni rapidement.
Nul n’est prêt à sortir de cette crise plus pauvre qu’il n’y est entré. Il faut donc, au plus vite, reconstruire notre économie, mais nous ne le ferons pas avec les recettes du passé. Elles ont prouvé leur totale inefficacité. Déconcentrons d’urgence, donnons les moyens aux communes et aux régions, dans leur ancienne configuration, de gérer leur territoire. Réduisons la dépense publique de fonctionnement au profit de l’investissement, allégeons la fiscalité pour la rendre compétitive avec celle de nos voisins. Inversons la pyramide ; le sommet au service de la base et non l’inverse, comme c’est le cas depuis des siècles, pour mobiliser et motiver l’ensemble du pays, dans un élan de responsabilité et de détermination.