Avant la dernière guerre mondiale, le paternalisme régnait dans les entreprises françaises. Les usines, jouxtant la villa du propriétaire, étaient bordées de petites maisons, alignées au cordeau, où vivaient les employés, à deux pas des écoles, dispensaires, magasins d’alimentation et autres lieux de loisir, financés par l’entreprise. C’est en réaction à une situation jugée rétrograde et asservissante, que les ordonnances de 1945, ont instauré un état-providence, dont le contenu doctrinal était issu des travaux de l’économiste anglais, William Beveridge, dont un rapport de 1942 proposait de lutter efficacement contre les cinq fléaux que sont : la misère, l’insalubrité, l’ignorance, la maladie et le chômage. Des organismes paritaires furent donc créés, pour gérer sécurité sociale, retraites, chômage.
Depuis, l’état jacobin n’a eu de cesse d’en récupérer le contrôle et de s’alourdir de leurs déficits, dans le but de maîtriser les transferts sociaux, qui font de la France l’un des pays les plus égalitaires au monde, mais aussi le champion des prélèvements, ce qui nous disqualifie dans la compétition internationale et constitue l’une des sources du chômage endémique dont nous souffrons.
Nous vivons donc, désormais, sous un paternalisme d’état. La politique de solidarité s’est transformée en une politique de petits cadeaux et d’attentions qui déresponsabilisent totalement les citoyens, lesquels se comportent, de plus en plus, comme des assistés, quand ils n’abusent pas du système. Primes de retour à l’emploi, de Noël, pour les chômeurs, allocations de rentrée des classes, primes « Macron » au titre de la pandémie, soutien ciblé aux étudiants, compensations de toutes sortes, chaque année, la liste s’allonge. Nos gouvernants achètent les voix de leurs réélections en déversant, au plus grand nombre, aumônes et consolations, justifiant ainsi, jour après jour, le jugement lapidaire de Jules Michelet : » La politique est l’art d’obtenir des suffrages des pauvres et de l’argent des riches sous prétexte de les protéger les uns des autres « .
Notre président appelle les Français à l’offensive. Il a raison. Mais ce n’est pas en utilisant les mauvaises recettes du passé que nous construirons l’avenir et offrirons à nos jeunes concitoyens les opportunités qu’ils méritent. Il y a de multiples sources de rebond. Encore faut-il avoir le courage de les détecter et de les mettre en œuvre. J’en propose une, qui ne coûte rien et qui permettra d’endiguer le raz-de-marée de chômage qui nous attend, en sortie de crise. Elle concerne le droit du travail, vitrine par excellence, de ce néo-paternalisme qui nous étrangle.
La croissance, tellement nécessaire, ne viendra que du travail ; il faut plus de Français au travail ; un temps de travail annuel plus long ; une vie de travail plus longue aussi. Il y a, en France, un vaste secteur susceptible d’embaucher. Celui du petit commerce, de l’artisanat et des services de proximité. Chacun a vécu l’attente du plombier, qui met des semaines à intervenir, de l’électricien débordé qu’il faut supplier à genoux, des artisans du second-œuvre du bâtiment aux délais à rallonge. Quand vous les interrogez pour savoir pourquoi ils n’embauchent pas, alors qu’ils ont du travail par-dessus la tête, tous vous font la même réponse : les règles du jeu de l’emploi sont trop complexes, la paperasse trop volumineuse et les risques, en cas de licenciement, trop lourds, en argent et en temps.
Il y a, en France, 3,9 millions d’entreprises, dont 3,7 millions de TPE de moins de 10 salariés. Enlevons de ce chiffre 1,5 millions d’auto-entrepreneurs et il nous reste 2,2 millions de TPE susceptibles d’embaucher, chacune, au-moins un salarié. N’y a-t-il pas là un amortisseur naturel de la casse sociale probable, conséquence de la crise sanitaire ?
Ces TPE n’ont pas besoin de prime à l’emploi ou de soutien financier à une première embauche. Leurs animateurs ont juste besoin de liberté. Ils veulent simplement pouvoir licencier aussi simplement qu’ils embauchent, sans avoir à justifier de motifs quelconques et sans risque de se faire attaquer devant les conseils de prud’hommes pour de fallacieux motifs. Pourquoi ignorer que les rapports humains, au sein d’un effectif réduit, sont sans commune mesure avec ceux d’organisations plus importantes, dont le management est dilué sur plusieurs étages hiérarchiques ? On divorce aujourd’hui plus facilement qu’on ne se sépare d’un employé. Est-ce logique, au sein de petites équipes ?
A force de paternalisme d’état, le contrat de travail est devenu un inventaire de devoirs pour l’employeur et de droits pour le salarié. Chacun étant seul responsable de soi-même, laissons les petits entrepreneurs conclure ou défaire les contrats de travail à leur guise, comme le peuvent les salariés.
Alignons le droit de licencier des chefs d’entreprises de moins de dix salariés sur les seules obligations que leurs salariés doivent respecter quand ils donnent leur démission. C’est simple, équitable, facile à mettre en œuvre, efficace et ça ne coûte rien. Il y a des millions d’emplois à la clé. Contrairement à ce que le président Mitterrand constatait, désabusé, en son temps : on n’a pas tout essayé pour endiguer le chômage.