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Il y a quelques années déjà, j’ai eu l’occasion de discuter longuement avec le dirigeant Europe, Moyen Orient, Afrique d’un grand groupe technologique américain. Il s’intéressait aux jeunes pousses que j’accompagnais dans un cadre associatif. Comme je lui en demandais les raisons, il me répondit en souriant : « vous savez, nous, aujourd’hui, nous ne sommes plus que des rois du marketing assis sur une montagne de cash. Nous n’inventons plus rien, mais alors, plus rien du tout. Il faut donc que nous nous intéressions aux vrais créateurs, pour renouveler notre offre, et ces vrais créateurs sont les fondateurs de start-up ».
Cela m’a remis en mémoire les propos de Steve Blanck, l’un des fondateurs du Lean Start-Up. Il constatait qu’au XXIème siècle, il est de plus en plus difficile, pour les grandes sociétés, d’engager des mutations disruptives. D’ailleurs, les grandes ruptures des dernières années sont nées chez Tesla, Uber, Airbnb, Netflix, Google ou Facebook, des entreprises qui n’existaient pas, il y a 20 ans.
Alors pourquoi les grandes entreprises ratent-elles le coche ?
Premièrement, elles fonctionnent dans une optique de maximisation de la valeur pour l’actionnaire. Leurs objectifs premiers sont le retour sur investissement et la valorisation boursière, ce qui est difficilement compatible avec un engagement à long terme dans l’innovation.
Deuxièmement, les dirigeants de ces grandes sociétés sont, en général, issus des secteurs de la finance, de la logistique ou de la production. Parfaits pour faire exécuter le modèle d’affaire existant dans l’entreprise, ils ne sont évidemment pas des révolutionnaires dans l’âme.
Troisièmement, dans l’explosion des nouvelles technologies, des plates-formes et des révolutions de marchés intervenues au cours des 15 dernières années, les grandes entreprises sont victimes de la lourdeur de leurs processus. Elles ont du mal à suivre la révolution des bio-technologies, de la santé prédictive, de l’intelligence artificielle et du basculement des grands marchés, tout particulièrement vers l’Asie.
Quatrièmement, les start-ups, qui sont les vrais responsables de ces disruptions, fragilisent désormais les grands groupes pour une autre raison majeure : leur financement. Jusqu’en 1975, quand l’argent était rare, seules les grandes entreprises avaient les moyens de consentir aux importantes dépenses de Recherches et Développement. Aujourd’hui, les capitaux-risqueurs sont à l’affût de toute idée initiée par les start-ups – et l’imagination est sans limite – car le retour sur investissement est devenu énorme grâce aux introductions en bourse ou à leur cession potentielle à un grand groupe.
Libérées de tout objectif de retour sur investissement à court terme, les start-ups ne sont pas embarrassées des modèles d’affaire conventionnels. Leur unique objectif est de faire aboutir leur projet. Pour y parvenir, sans brûler inconsidérément le cash fourni par les capitaux-risqueurs, elles agissent dans l’urgence et n’attendent pas forcément toutes les informations pour prendre une décision. Plus proches du client, elles appréhendent beaucoup mieux ses besoins et pivotent régulièrement pour adapter leur offre. Elles sont agiles et savent motiver leurs fondateurs et collaborateurs.
C’est donc un nouveau monde des affaires qui se dessine aujourd’hui : de grandes entreprises capables de gérer et de faire évoluer des activités existantes, domaines dans lequel elles sont plutôt bonnes et des start-ups reposant sur l’entrepreneuriat pour révolutionner les marchés. Finalement, les deux se complètent. L’exemple ultime ? Google, qui a déjà acheté plus de 200 sociétés au cours des 10 années passées. C’est donc bien la création qui prime sur le marketing. Comme le disait Daniel Jouve, observateur pertinent de l’entreprise : « Ce ne sont pas les études de marché sur la lampe à huile qui ont permis le développement de l’électricité ».