L’annonce simultanée de la renonciation à la surtransposition des normes environnementales et phytosanitaires européennes, en réponse à la colère des paysans et, dans le cadre de la recherche d’économies budgétaires, de la réduction drastique du budget dévolu à la transition énergétique, n’a pas vraiment fait l’objet de contestations virulentes. Bien au contraire, la population poursuit son soutien aux paysans, à plus de 90%, dans toutes leurs revendications. Cela démontre, une fois de plus, que si l’aspiration des gens à un environnement plus sain est toujours assez clairement exprimée, le prix à en payer est jugé trop élevé et la transition trop précipitée. Il n’est que voir l’évolution de la consommation des produits bio qui subit une très forte récession due à un positionnement trop cher par rapport aux autres produit alimentaires ou de la vente des véhicules électriques qui n’atteint pas le niveau prévu par les constructeurs.
De même, la tendance, pour les entreprises, en ce moment, de se doter de politiques RSE complexes ou de se transformer en entreprises à mission, relève d’un tropisme de nature identique. Elles se donnent bonne conscience en mettant en avant des responsabilités sociétales dont elles se sentiraient investies. Pourquoi pas ? Mais attention ! Qu’elles veillent à ne pas négliger que leur premier devoir est de servir leurs clients, au prix le plus compétitif possible, sauf à risquer de les voir se détourner de leur offre, avec toutes les conséquences dommageables pour leur pérennité.
Il est de bon ton, aujourd’hui de stigmatiser Milton Friedmann et son « The business of business is business ». Il rappelle pourtant tout simplement que le rôle d’une entreprise est de prospérer, de servir ses clients et de réaliser les profits qui lui permettront de payer ses salariés et de rémunérer ses actionnaires. D’ailleurs, les raisons d’être n’ont jamais été absentes des grandes entreprises américaines. C’est, par exemple, le crédo de Johnson & Johnson, rédigé en 1943. Il est d’une actualité indubitable : « Nous sommes responsables, en premier lieu, envers les patients, les médecins et les infirmières, les mères et les pères de famille et tous ceux qui utilisent nos produits et nos services… envers nos employés qui travaillent avec nous dans le monde entier… pour leur offrir un environnement de travail inclusif, ou chacun doit être considéré dans son individualité etc. »
Chaque entreprise a été créée pour une raison précise, une raison d’être. Fallait-il, en France, une loi pour lui permettre de l’exprimer ? Changer les statuts, convoquer une assemblée générale, nommer un comité de mission et un organisme de contrôle indépendant ? Le coût direct et indirect de ce juridisme est très élevé. Il alourdit le fonctionnement quotidien et substitue, dans l’évaluation de son efficacité, comme toutes les normes, le respect des procédures à la qualité du service rendu.
Pour ce qui concerne les agriculteurs, il semblerait que les pouvoirs publics soient décidés à simplifier les normes applicables. Qu’ils n’oublient pas les entreprises. Elles ont grand besoin, elles-aussi, qu’on desserre le carcan administratif qui les étouffe.