Les injonctions visant à mettre fin au télétravail et à exiger le retour au bureau, à bref délai, émises par Jeff Bezos ou Elon Musk, aussitôt suivis par nombre d’entreprises, dans le monde, ont pu faire croire à la fin définitive du télétravail. Ce n’est pas aussi évident. En France, par exemple, un quart des salariés télétravaillaient, au moins partiellement, en 2023. Il semble donc très improbable qu’on puisse les faire revenir tous au bureau rapidement, même en faisant preuve d’autorité.

L’intéressant, dans ces revirements, est justement la notion de retour au bureau. Il est, en effet, très improbable, c’est un euphémisme, que le télétravail ait pu concerner les métiers de services tels que la restauration, les services à la personne et encore moins les activités industrielles ou de travaux d’entretien.

Jamais, évidemment, ces catégories de personnels n’ont pu bénéficier de ce confort incontestable que constitue le télétravail.

Il est donc nécessaire de distinguer, parmi les entreprises, celles qui peuvent y avoir recours et les autres :

1. Celles dont les activités sont purement tertiaires et n’impliquent pas de ségrégation entre les salariés qui peuvent en bénéficier – c’est le cas de nombreux secteurs qui vont des bureaux d’études aux agences de publicité, en passant par tous les services qui sont aujourd’hui dématérialisés – ne courent qu’un risque, celui, non négligeable toutefois, d’une perte de culture d’entreprise, de lien social interne et de créativité, les échanges informels entre les salariés, autour des postes de travail ou de la machine à café, étant essentiels à la bonne marche d’une entreprise.

2. Celles qui gèrent à la fois des cols bleus et des cols blancs, pour reprendre une ancienne définition, mais combien parlante et qui, par équité, ne peuvent pas se laisser aller à faire la distinction entre ceux qui ont la possibilité de bénéficier du télétravail et ceux qui ne l’ont pas. Au sein de ces entreprises, les cols blancs, généralement minoritaires, sont déjà stipendiés, entre autres, pour leur position de travail plus confortable. Le télétravail ne ferait que les faire encore davantage mal voir, creusant ainsi un antagonisme délétère entre les deux catégories.

En ce sens, les décisions de ces grands employeurs que sont les entrepreneurs américains cités plus haut, représentent plus un retour à l’équité de traitement des différentes catégories de personnel qu’ils emploient, que l’exercice d’un caporalisme désuet. D’autres, comme Microsoft ou Apple, qui ne fabriquent rien, peuvent laisser perdurer un télétravail, limité toutefois, pour pouvoir associer la liberté laissée au salarié de s’organiser à sa guise et la nécessité de suffisamment fréquenter le bureau pour continuer à contribuer à la culture de l’entreprise et laisser s’épanouir une créativité que seule la collectivité réunie physiquement permet.

Il n’est pas simple de prendre la bonne décision, en la matière. Il me semble, toutefois, que l’équité entre les membres du personnel commande, car c’est toujours sur l’égalité de traitement que repose la cohésion des effectifs de l’entreprise et leur dévouement à la réalisation de ses objectifs.

Soyez libre, entreprenez, cultivez votre leadership.