Une récente étude de l’APEC et du think tang Terra Nova, relayée abondamment par la presse économique, tord le cou à cette impression que les jeunes auraient aujourd’hui moins envie de travailler que leurs aînés.
En effet, des actifs de 45 à 65 ans estiment que les jeunes seraient moins fidèles et moins respectueux de la hiérarchie qu’eux-mêmes. Mais 50 % des jeunes actifs de moins de 30 ans considèrent, eux, que leur travail est aussi important que les autres volets de leur existence. Ils se déclarent également respectueux de la hiérarchie mais expriment le besoin de comprendre les décisions pour pouvoir bien les exécuter. Cette étude conclut enfin que si les jeunes expriment le souhait d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, ils n’en sont pas moins investis dans leur travail.
Voilà qui vient à point nommé pour encourager les chefs d’entreprise à consacrer beaucoup plus de temps à leur capital humain, qu’il leur faut en permanence renouveler, les nouvelles générations se substituant progressivement aux anciennes.
Les plus âgés vivent dans le souvenir d’une époque où la hiérarchie tenait lieu de discipline pour chacun. Les décisions étaient prises au sommet et les instructions exécutées jusqu’au dernier échelon, sans coup férir. Et ça marchait ! Un peu comme à l’armée, mais sans son caporalisme désuet, chacun sachant ce qu’il avait à faire et s’y conformant.
Depuis quelques décennies déjà, le management s’est substitué au productivisme et ce que nous vivons aujourd’hui est, dans les faits, un enrichissement du management, son évolution naturelle. S’il comportait, il y a quarante ans, un peu de gestion des ressources humaines et beaucoup de tactiques d’exécution vers la réalisation des objectifs, il se focalise aujourd’hui sur l’animation et la motivation des équipes, pour surmonter les défis quotidiens posés par la nécessaire croissance.
Les profits ont toujours été le fruit de clients heureux et de salariés enthousiastes, dit l’adage. Avec l’arrivée des plus jeunes, le chef d’entreprise et son encadrement voient donc aujourd’hui le contenu de leur fonction se modifier, conséquence des évolutions sociétales et de la volonté des générations montantes de plus penser à eux et de refuser d’être des pions dans un jeu dont ils ne maîtrisent pas les règles.
Pour faire avancer l’organisation vers les résultats souhaités ils doivent maintenant s’occuper individuellement de chacun de leurs collaborateurs et leur consacrer le temps nécessaire à leur expliquer la vision et la stratégie qui guident l’entreprise, les ressorts des activités en cours, dans ce contexte, la façon dont ils peuvent y contribuer à leur niveau et les récompenses qui sanctionneront leur réussite ; et… y revenir régulièrement.
Les coûts, en termes salariaux, augmenteront passablement de ce temps d’encadrement supplémentaire, mais c’est le prix à payer pour cette évolution. En face il y a les économies potentielles, en provenance de la transition numérique et de l’IA qui sont à travailler.
Pour que l’entreprise perdure, dans son utilité, elle doit donc veiller à transformer son modèle économique pour qu’il privilégie l’humain à tous les étages de l’organisation mais aussi l’usage accéléré des technologies les plus récentes afin de rééquilibrer les coûts.
Tancrède dans « le guépard » avait raison : « il faut que tout change pour que rien ne change ».