Depuis le 1er mars, les 37.000 PME de 50 à 250 salariés sont censées avoir publié sur leur site Internet leur index de l’égalité professionnelle et l’avoir communiqué à leur comité social et économique ainsi qu’à l’inspection du travail. Sur une base de 100, elles auront mesuré les écarts salariaux entre hommes et femmes, l’écart entre les augmentations annuelles, l’écart dans les promotions, les augmentations au retour des congés maternité et la présence des femmes parmi les dix plus gros salaires des entreprises. Si la note est inférieure à 75, l’entreprise devra indiquer les mesures correctives qu’elle adoptera.

J’ai, personnellement, toujours considéré – et rigoureusement appliqué dans mes entreprises, constituées autant de femmes que d’hommes – que l’égalité salariale, à poste équivalent, allait de soi. Mais cette mesure coercitive me laisse pantois car elle constitue un nouvel exemple de ce que la culture bureaucratique qui unit fonctionnaires et membres du gouvernement peut produire de plus éloigné des réalités du terrain.

Que dans les assurances, les banques, l’industrie, le grand commerce, les grandes entreprises, en général, qui proposent de nombreux postes au contenu identique, on veuille s’assurer que des politiques soient mises en œuvre pour garantir l’égalité des traitements, pourquoi pas. Mais dans les petites entreprises, dont les hiérarchies sont quasiment inexistantes parce qu’aujourd’hui organisées en réseaux multipolaires, surtout les plus récentes, issues de l’écosystème des start-ups, on s’interroge. Nos législateurs clairvoyants savent-ils que dans ces entreprises, on ne recrute pas des robots stéréotypés et comparables mais des femmes et des hommes, souvent uniques dans leur spécialité, pour assurer une fonction unique, elle aussi. Savent-ils que les recrutements aujourd’hui se font plus sur les qualités humaines – les fameuses soft skills – que sur la compétence technique, beaucoup plus facile à apprendre que l’intelligence émotionnelle. Que les choix se fondent plus sur la sympathie entre les dirigeants et celle ou celui qui postule que sur un processus mécanique de sélection ?

Il faut, dans notre pays, arrêter de légiférer à propos de tout et de rien ; arrêter de faire remplir des formulaires idiots à des entrepreneurs dont la vocation est de créer des richesses, pour eux et pour la collectivité ; arrêter de penser que la solution aux grandes questions sociétales viendra des entreprises. Il est de bon ton, dans les hautes sphères qui nous gouvernent de regretter, avec des larmes de crocodile, l’écart grandissant entre le dynamisme des entreprises allemandes et celui des françaises. Comment l’Allemagne a-t-elle traité le même sujet ? D’abord, en limitant leur règlementation aux PME à partir de 200 salariés et non de 50. Ensuite, en faisant simple : un employé qui se sent discriminé peut, demander par écrit le salaire moyen de 6 personnes du sexe opposé tenant le même poste. Pas de bureaucratie. On fait confiance aux salariés et aux employeurs pour résoudre les éventuels problèmes.

Combien de temps faudra-t-il encore à nos élites parisiennes pour comprendre le fonctionnement du monde concret, celui qui prépare demain mais qui leur reste encore totalement étranger.