C’est promis, juré, le monde d’après ne sera pas le même que le monde d’avant. Tous les bons esprits le proclament. Juliette Binoche, qui voit des complots partout, Nicolas Hulot qui préfère donner des conseils comme opposant que des ordres comme ministre, quelques 200 personnalités artistiques et scientifiques, qui signent, du haut de leur notoriété, à défaut de leur compétence, « un appel solennel à s’extraire de la logique intenable qui prévaut, en engageant la transformation radicale qui s’impose à tous les niveaux ». Bigre ! Plus prosaïquement, la créativité, en matière fiscale, foisonne. Quelques députés, des économistes néo-marxistes, 150 personnalités de gauche, Vincent Lindon lui-même, rivalisent d’imagination pour nous pondre de nouveaux prélèvements : impôt exceptionnel sur le capital, retour de l’ISF, plus forte progressivité de l’impôt sur le revenu, relèvement des droits de succession, contribution anti-crise et, en vedette américaine, un impôt « Jean Valjean » sur le patrimoine des Français. Parmi les symptômes de la Covid-19, doit figurer la perte de mémoire. Comment peut-on imaginer résoudre les conséquences économiques d’une crise sanitaire par des impôts nouveaux, dans un pays déjà champion du monde, toutes catégories, des prélèvements obligatoires ? 

En même temps, il faut relocaliser. C’est évident ! Subitement, nous prenons conscience que le capital, comme le travail, sont subrepticement partis vers des cieux plus cléments et que nous sommes dépendants des puissances étrangères pour notre santé, notre alimentation et nombre d’autres besoins essentiels. Pourquoi ? Trois grandes raisons, qui agrègent toutes les autres : une fiscalité et des prélèvements sociaux dissuasifs, une réglementation et une normalisation excessive et inadaptée, une législation du travail surannée et juridiquement incertaine.

Les appels médiatiques en faveur d’un monde d’après différent ne sont que des incantations, des appels au retour des politiques qui nous ont conduit à l’impasse actuelle. Pourquoi ne pouvons-nous pas faire face, comme d’autres, aux défis posés par la catastrophe sanitaire ? Parce que nous n’en avons pas les moyens financiers, conséquence d’une gestion laxiste depuis 45 ans et parce que nous ne travaillons pas assez. Or, les recettes du passé ont failli et ne nous permettront pas de rebondir dans l’avenir.

Il faut surmonter ce qui, en France, est un vrai handicap : l’égalitarisme élevé au rang d’idéologie nationale. Pour relocaliser, si c’est là notre ferme volonté, il est nécessaire de remettre l’entrepreneuriat en tête de nos priorités. Il fait, d’ailleurs, partie de notre culture. Le terme même figure dans l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, sous la plume de Cantilon et c’est Jean-Baptiste Say qui, le premier, fera de l’entrepreneur un acteur économique à part entière. Mais il subsiste en France une véritable aversion à la réussite. Il n’est que de se souvenir des cris d’orfraie poussé par la presse quasi-unanime à la déclaration d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, sur son vœu que « de jeunes Français aient envie d’être milliardaires ».

Alors, imitons les nations européennes qui ont encore une industrie digne de ce nom. Faisons aimer aux Français l’entreprise, le libre-marché, la concurrence, la responsabilité. Promouvons l’industrie, le commerce, l’artisanat, les services, l’agriculture afin de les convaincre que ceux qui prennent des risques et créent de l’emploi méritent, autant que nos grands acteurs et nos grands footballeurs, le succès financier associé à leur réussite. Extirpons de la tête de nos fonctionnaires et de nos juges qu’ils ne sont pas, dans leur grande majorité, des monstres d’avidité, des affameurs du peuple, des brigands ou des fraudeurs. Exigeons des enseignants qu’ils acceptent de présenter l’économie, en classe, autrement que sous la forme d’une caricature crypto-marxiste.

Nous payons aujourd’hui 70 ans d’ostracisme à l’égard des entrepreneurs. Si les 30 glorieuses ont masqué cette réalité, les 40 piteuses qui ont suivi l’ont révélée. Voulons-nous une société plus respectueuse de la nature, un meilleur système de santé, de meilleures infrastructures, moins de chômage ? Il n’y a qu’une solution : encourager l’initiative privée, partout, décentraliser vraiment et élaguer le maquis des normes qui nous étouffe.

Voulons-nous relocaliser ? Bien ! Mais cela a un prix : réduire les charges pesant sur les salaires et les impôts de production et assouplir fortement la législation du travail.