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Edouard Leclerc se destinait à la prêtrise quand, de nature impétueuse et pétri d’idées sociales avancées, il décida de changer de voie, pour les mettre en œuvre concrètement. Son credo, aujourd’hui bien connu, consistait à vendre moins chers, les produits de première nécessité pour que tout-un-chacun puisse les acheter. Il s’agissait donc, ce qui n’était pas du tout évident, à la fin de années quarante, de miser sur la quantité, au sein d’un environnement frugal, pour transmettre au consommateur, l’essentiel des marges obtenues de l’industrie, tout en maintenant un modèle d’affaire rentable afin d’assurer la pérennité du concept. Ne disposant, ni au sein de sa famille, ni lui-même, des compétences commerciales nécessaires, il décide, au préalable, d’apprendre les rudiments du métier d’épicier auprès d’un transitaire brestois. C’est le début de l’aventure des centres Leclerc, traduction concrète d’une idée simple et généreuse, proposer les plus bas prix possibles pour tous les produits de consommation courante, mais aussi, résultat d’un formidable leadership de son fondateur, qui saura générer des émules et fonder un réseau original, performant et solidaire.

L’ascension d’Edouard Leclerc démontre, de façon presque caricaturale, qu’il faut aujourd’hui privilégier le leadership à la compétence technique. En effet, sa réussite prodigieuse n’est certainement pas due à son expérience d’épicier et aux quelques semaines qu’il a passé en apprentissage.

La raison pour laquelle beaucoup d’organisations tâtonnent, en matière d’acquisition de talents, est qu’elles ne cherchent tout simplement pas les bons candidats. Elles le font au travers de la seule évaluation des compétences techniques.

Leurs modèles d’embauche sont construits pour l’ancienne économie : la conformité plutôt que l’originalité, le statu quo plutôt que le changement, quelqu’un pour le présent en omettant de prendre en compte les évolutions à venir. Lorsque les organisations embauchent ou promeuvent des leaders potentiels, en utilisant un modèle exclusivement basé sur le niveau de leur aptitude professionnelle, elles courent le risque d’un échec pour l’organisation tout entière, car rien n’étouffe plus la culture commune que d’engager ou de promouvoir des personnes qui s’avèrent inadaptées socialement.

Les qualités humaines, le leadership, la capacité à montrer l’exemple sont beaucoup plus importants que la seule maîtrise d’un domaine. Bien sûr, tous les dirigeants connaissent les nouveaux codes : la force de caractère, la manifestation de la confiance, la passion de l’engagement, le but poursuivi, l’empathie, l’exemple, la créativité. Il est d’ailleurs de bon ton de les rappeler régulièrement dans les discours officiels. Mais la réalité est qu’ils traitent toujours leurs collaborateurs à l’aune de la maîtrise de leur spécialité et de rien d’autre. Comme elle est lisible et facile à mesurer et que les entreprises aiment ce qui est prévisible et mesurable, les vieilles habitudes ont la vie dure.

Il faut donc changer de paradigme et affirmer haut et fort, dans l’organisation, que les critères d’embauche et de promotion reposent sur la capacité de chacun à aligner le but, la vision, les valeurs, le caractère, en même temps qu’une compétence démontrée. Vous pouvez être le plus extraordinaire des spécialistes, cela ne fera pas de vous un leader.

Car, comme l’affirmait le général Eisenhower, et c’est ce dont ont besoin les entreprises du futur, « Le leadership, c’est l’art de faire faire à quelqu’un quelque chose que vous voulez voir fait, parce qu’il a envie de le faire ».