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Taïchi Ohno est le concepteur de ce qu’on a appelé le système Toyota. À la fin de la guerre, le constat est navrant. Un ouvrier américain a une productivité 9 fois supérieure à un ouvrier japonais. Or, selon Kiishiro Toyoda, il faut impérativement rattraper les Etats-Unis, faute de quoi l’industrie automobile japonaise mourra. Ohno y est envoyé pour étudier la production de masse américaine. Or, si l’industrie automobile japonaise est ménagée par une loi protectionniste datant de 1936, elle doit quand même se plier à la concurrence, en termes de prix et de choix, afin de satisfaire des clients exigeants, qui ne sont pas du tout prêts à acheter, par pur patriotisme, des modèles moins bien et plus cher. C’est le handicap de séries forcément plus courtes qu’aux Etats-Unis où les voitures font déjà partie, depuis longtemps, du « way of Life ». De ce défi naît l’idée de génie d’Ohno : produire un éventail très large de voitures, afin d’offrir un vrai choix aux consommateurs et réduire drastiquement les coûts, par un système de production beaucoup plus frugal. C’est le juste-à-temps, la chasse au gaspillage, une organisation de production plus fluide et plus flexible, les kanbans et, le « lean » management.

« Le prix, c’est ce que vous payez. La valeur, c’est ce que vous recevez » a coutume de dire Warren Buffet. La création de valeur pour le client doit reposer sur du solide et non sur une simple perception. C’est l’objectif d’un système de management « lean ». Toyota a toujours su comment maximiser la valeur, même dans des circonstances adverses. Compte tenu de la nécessité de produire, à l’époque, avec des ressources limitées, le constructeur japonais commença par le recensement de toute activité ou dépense qui ne contribuerait pas directement à la valeur qu’un client serait prêt à payer. Ce premier processus de création de valeur fut donc un processus d’élimination. Sur une chaîne d’assemblage, par exemple, si installer le rétroviseur d’une voiture fait, incontestablement, partie de la création de valeur, traverser l’usine pour chercher un tournevis, alors que le véhicule est à l’arrêt, est un déchet. S’il y a plus d’opérateurs que nécessaire pour assembler un véhicule ou plus de pièces en inventaire qu’utile, ce sont des déchets car ils ne font qu’ajouter des coûts inutiles au produit.

La clé de ce raisonnement est que tout déchet, par nature, contrevient à la satisfaction du client. Toute activité, qu’il s’agisse d’un produit manufacturé, de la préparation d’un repas ou du traitement d’un sinistre par une compagnie d’assurance est concerné. Dans le cas de la santé, c’est encore pire : l’objet du travail et le client sont la même personne, rendant les activités sans valeur particulièrement visibles et contestables.

Dans les organisations « lean », tous les efforts, c’est un postulat, sont concentrés sur le client. Le taux de défauts, la livraison en temps et en heure ou le relevé d’indicateurs de coût comme la rotation des stocks en sont les exemples les plus marquants.

Ces organisations mettent l’accent sur ceux qui font le travail pour le client. Elles considèrent que les ouvriers en production, les soignants dans les hôpitaux, ceux qui traitent des déclarations dans les compagnies d’assurance sont les gens les plus importants.

De ce fait, ceux qui ne « produisent » pas, les études, l’informatique, les relations humaines et même la direction générale, n’ont de valeur que par le soutien qu’ils prodiguent à ceux qui produisent.

Quand il est important de savoir ce que vaut vraiment quelque chose, une seule question se pose : « Pourquoi le client paierait-il pour cela » ? Si la réponse est « Je ne sais pas », il est peut-être temps de l’éliminer.

Ce que Peter Drucker traduit par cet aphorisme : « Il n’y a rien de plus inutile que de faire avec efficacité quelque chose qui n’a pas du tout à être fait ».