La récente polémique, née du don de 10 millions d’Euros de la famille de Bernard Arnault aux Restos du Cœur, illustre, une fois de plus, le fossé qui sépare, en France, ceux qui agissent de ceux qui se laissent conduire.

La réussite doit-elle se cacher ou, au contraire, bénéficier à tous, au gré de ceux à qui elle en donne les moyens ? Après tout, leur choix, qu’il s’agisse d’œuvres charitables ou d’art, vaut largement celui de fonctionnaires qui distribuent l’argent public, selon des affinités discutables. Ils ne sont certainement pas moins éclairés, d’autant qu’ils le font avec la parcimonie de ceux qui gèrent leur propre argent. 

Comment aussi expliquer que personne ne soit choqué des émoluments pharaoniques des grands sportifs mais que ceux des entrepreneurs soient des sujets permanents de scandale ? Le talent ? Mais il en faut certainement autant pour créer et conduire la croissance d’une entreprise que pour taper dans un ballon, aussi géniale soit la frappe.

Méfions-nous ! Cette doxa ambiante, en France, doit être découragée car elle peut avoir des effets délétères sur l’évolution de notre société. L’histoire est riche d’ostracismes coûteux.

Le 18 octobre 1685, Louis XIV révoquait l’édit de Nantes, déclenchant un exode de plus de 200.000 protestants, chiffre considérable pour l’époque. Ceux qui sont partis appartenaient, pour la plupart, aux secteurs de la production artisanale et industrielle, particulièrement le textile, aux carrières libérales et aux métiers de l’argent. Privant la France d’une partie de ses élites, ils furent les ferments de la résurrection de l’Allemagne, laissée exsangue par la guerre de trente ans et à la genèse de la révolution industrielle en Angleterre, lui permettant ainsi de conquérir un leadership mondial.

Aujourd’hui, ce sont les jeunes innovateurs qui sont tentés par l’ambiance, plus favorable à leurs projets, des pays anglo-saxons. La désindustrialisation progressive de la France depuis la dernière guerre mondiale s’explique aussi par le désamour des Français pour leurs grands entrepreneurs.

Pourquoi Steve Jobs, Bill Gates et Elon Musk sont-ils admirés, voire vénérés aux Etats-Unis et pourquoi Bernard Arnault ou François Pinault sont-ils vilipendés en France ?                   

Probablement parce qu’au nom d’un égalitarisme absurde, nous ne voulons pas encourager l’entrepreneuriat, l’aventure individuelle, la responsabilité, la réussite, privilégiant le nivellement par le bas dans la quiétude et la médiocrité d’une économie administrée. 

Depuis deux ans – depuis le Covid et le début de la guerre en Ukraine – nos gouvernants veulent réindustrialiser notre pays. Tous les ministres l’annoncent à son de trompe à tous les carrefours et prennent, avec la même autorité, des décisions propres à décourager les initiatives.

Réindustrialiser, c’est encourager des entrepreneurs à prendre des risques et à en recueillir les fruits ou à en payer les échecs ; c’est créer une ambiance qui les y incitent ; c’est donner à tous le goût de la réussite individuelle, de la responsabilité de soi, de la concurrence ; c’est magnifier le succès matériel, les gains financiers et les donner en exemple aux générations montantes.

C’est aussi, dès leur plus jeune âge, donner aux enfants une éducation qui leur fasse prendre conscience que la réussite est au bout de l’effort et que seul le travail et la détermination permettent d’y arriver.