L’histoire est connue et rapportée en détail, dans la biographie que Walter Isaacson a consacrée à Steve Jobs. L’une des clés du succès d’Apple repose sur ce véritable hold-up commis par Jobs et ses ingénieurs, d’un prototype de carte graphique créé par Xerox. La copiant sans aucun scrupule, ils l’inséreront, à la fin des années 70, dans leur MacIntosh, alors en développement. Steve Jobs n’a jamais nié ce larcin, bien au contraire. Il répondait à ses détracteurs en paraphrasant le célèbre propos de Pablo Picasso : « les bons artistes copient, les grands artistes volent ». Toute honte bue, il alla même jusqu’à reprocher à Bill Gates, qui s’était, lui-aussi, servi de cette interface graphique pour Windows, d’avoir servilement copié son travail, ce à quoi Gates répondit avec humour : « Nous savons tous deux d’où viennent nos innovations ; disons que tu es entré chez Xerox par la porte de devant et moi, par la porte de derrière ».

Il peut paraître immoral et provocateur, de nos jours, de porter aux nues la copie, quand chaque profession revendique une protection intellectuelle renforcée, tout particulièrement face au développement exponentiel de l’intelligence artificielle générative, qui puise ses réponses dans la connaissance universelle disponible. Mais force est de constater que le progrès humain repose, un peu sur l’innovation, et beaucoup sur la copie. D’ailleurs, la protection intellectuelle – brevets, modèles, copyrights – est, heureusement, limitée à des descriptifs précis et clairement identifiables. 

Quand Henry Ford, conseillé par Frederick Taylor, invente le travail à la chaîne, pour produire des automobiles en masse, il est aussitôt imité par les autres constructeurs. Quand Internet est né, personne n’en a revendiqué la propriété exclusive. Quand OpenAI lance ChatGPT, d’innombrables concurrents émergent aussitôt avec une offre quasi-identique.

Il ne faut donc pas confondre copie servile – interdite – et copie conceptuelle – libre -.

D’ailleurs, dans le domaine du management, c’est l’un des atouts de cette technique, très utilisée aujourd’hui, le benchmarking, ou l’art de détecter les bonnes pratiques ailleurs pour s’en inspirer chez soi, a définitivement gagné ses galons. Les plus grands noms de l’industrie s’y livrent méthodiquement. Certains, de façon officielle, en proposant des échanges d’information très codifiés. Il y a déjà longtemps, Renault, par exemple, a sollicité Mercedes pour se familiariser avec l’automobile de haut de gamme, lequel, en réciprocité, a obtenu des conseils sur la conception de petites voitures. 

Alors, méfions-nous des jugements moraux, quand il s’agit de pratiques entrepreneuriales. Dans un monde qui favorise la liberté économique, c’est toujours l’intérêt du consommateur qui doit triompher. Les rentes d’une propriété intellectuelle excessive, aux contours mal définis, sont à bannir, au nom de la liberté et du progrès.

Oui, copier, c’est gagner !