Il semblerait que la direction de la législation fiscale, au ministère des finances, planche actuellement sur un projet de taxation des rachats d’action par les entreprises. Mais, écueil de taille, comment, au nom de la justice sociale, éviter de pénaliser les salariés-actionnaires ?

Il y aurait donc, dans notre pays, plusieurs catégories d’actionnaire, les entrepreneurs, les investisseurs et les épargnants, d’un côté, forcément suspectés de vouloir saigner l’entreprise par leur exigence de rentabilité, sous forme de dividendes ou de rachats d’actions, et de l’autre, les vertueux, ceux qui faisant partie des effectifs de l’entreprise, ne sauraient être traités de la même façon.

Quel raisonnement absurde !

Il démontre, une fois de plus, à quel point l’administration, y compris au sommet de l’état, est totalement déconnectée des réalités du terrain.

Il y a de multiples raisons à avancer pour s’opposer à ce projet mais contentons-nous d’en développer deux.

La première est qu’en décidant de racheter ses propres actions, une entreprise acte du fait qu’elle n’a plus de projet d’investissement dans son métier, propre à assurer la rentabilité du capital qui lui est confié par ses actionnaires. Plutôt que de se lancer dans une diversification hasardeuse, elle leur rend donc une partie de leur argent, afin qu’ils puissent allouer les capitaux qui leur ont ainsi été libérés, à d’autres possibilités d’investissement. C’est la traduction concrète de la destruction créatrice chère à Schumpeter.

La deuxième est que depuis le général De Gaulle et son idée de troisième voie, reprise depuis par tous ses successeurs, a germé l’idée qu’associer le travail au capital constituait un moyen de les concilier, afin d’améliorer les rapports sociaux, et donc la productivité d’un pays dans lequel dominent toujours encore les conflits dit de classe. Cette idée, d’abord adoptée par les grands groupes cotés du CAC 40, s’est progressivement diffusée auprès des PME et même des TPE aujourd’hui, grâce à des textes qui en ont facilité la mise en œuvre, voire l’ont favorisée au travers de mesures de soutien fiscales. On trouve donc aujourd’hui de l’actionnariat salarié dans toutes les catégories d’entreprises, petites ou grandes. Cet actionnariat est d’ailleurs représenté dans les conseils d’administration ou les organes de gouvernance par des mandataires jouissant des mêmes droits et des mêmes devoirs que ceux qui représentent les entrepreneurs, investisseurs ou épargnants. En quoi, la qualité de salarié devait-elle alors distinguer certaines catégories d’actionnaires des autres ? N’y-a-t-il pas aussi des salariés qui investissent leur épargne en bourse, hors des programmes d’attribution d’actions, que ce soit dans l’entreprise où ils travaillent ou dans d’autres ?

Taxer les rachats par les entreprises de leurs propres actions est un frein à la mobilité de l’épargne, nous l’avons vu, alors que, par ailleurs, les pouvoirs publics cherchent à attirer de plus en plus de PME et même de TPE sur des marchés boursiers adaptés à leur taille ? En soi, c’est une fausse bonne idée, un simple projet de taxe supplémentaire, comme l’imagination de Bercy en est fertile, créé au nom d’une morale qui nous échappe. De surcroît, exonérer de cette taxe l’actionnariat salarié, si elle devait être instaurée, serait une iniquité.